" S'investir dans la formation pour pa llier le manque de main-d'oeuvre "
Pour faire face aux difficultés de recrutement en pépinière, le Centre de formation professionnelle pro motion agricole (CFPPA) Savoie-Bugey, à La Motte-Servolex (73), et les pépiniéristes locauxont uni leurs efforts pour mettre en place, au cours de l'hiver 2017-2018, une formation d'« ouvrier pépi niériste ». Celle-ci a accueilli 10 stagiaires pendant 3 mois.
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«La genèse de la formation est récente, et sa mise en route a été très rapide, explique Cédric Dernaucourt, responsable de la formation professionnelle continue pour adultes en paysage et pépinières au CFPPA Savoie-Bugey. En mai 2017, un dirigeant de l'entreprise Millet - dont nous avions formé un des employés en paysage -, nous a fait part de la difficulté à recruter des personnes en pépinières. Il nous a demandé si nous pouvions transposer notre formation en paysage au domaine des pépinières. D'autres professionnels ont fait le même constat : ils ne trouvent plus de candidats pour les travaux, notamment la pleine terre. C'est inquiétant car de nombreuxsalariés de ces structures sont proches de la retraite. Parallèlement, quelques dirigeants sont à la recherche de repreneurs. »
> « Dès le mois de juin et jusqu'en octobre, nous nous sommes réunis avec plusieurs professionnels, notamment les entreprises Millet, Cholat, Puthod, François, le fonds de financement des formations Fafsea, et Pôle emploi, afin de préparer le programme et la mise en oeuvre de la formation. Il fallait rédiger l'appel d'offres. Le but étant de démarrer rapidement pour avoir des personnes opérationnelles dès le printemps 2018. Nous nous sommes orientés vers un cycle de 400 heures, soit 3 mois (*). La FNPHP était également partenaire », poursuit Cédric Dernaucourt. Le CFPPA Savoie-Bugey a remporté l'appel d'offres. Il a disposé d'à peine un mois pour communiquer sur cette formation, essentiellement par mails, et recruter les stagiaires. Cette démarche s'est effectuée en partenariat avec les entreprises. « Nous avons eu 54 demandes d'information et, au final, 10 candidatures suffisamment motivées ont été retenues. » Les candidats ont été recrutés sur la base d'un profil déjà doté d'un minimum de pré-requis, formation courte oblige. Une majorité d'anciens paysagistes souhaitant travailler en pépinières ont postulé, ainsi que des personnes en reconversion, à l'image d'Audrey Brouxel, 27 ans. Après une formation dans l'hydraulique, cette dernière est partie pour une mission humanitaire au Bangladesh, menée dans le secteur du traitement de l'eau. « À mon retour, je me suis intéressée à la permaculture. J'ai suivi un stage en woofing (travail nourri logé) pendant 6 mois. J'ai réalisé que j'étais faite pour travailler dans le végétal. Quand l'opportunité de la formation s'est présentée, simplement via un mail, je me suis dit : pourquoi pas la pépinière ? »
> La formation s'est déroulée de début janvier à fin mars 2018. Le programme est basé sur différents modules, avec des formateurs spécialisés dans chaque domaine : connaissance des végétaux, biologie, techniques culturales, multiplication, greffe, Certiphyto, commercialisation. Les parties techniques et pratiques avaient lieu en immersion au sein des entreprises, notamment les pépinières Millet et Cholat qui se sont fortement investies. « C'est un des grands intérêts de ce parcours. Entre les cours pratiques, les stages individuels en entreprise, et les visites pédagogiques, 50 % du temps s'est déroulé sur le terrain. Cela a permis aux stagiaires, d'une part, d'être confrontés à la réalité et, d'autre part, de rencontrer et côtoyer les pépiniéristes ou chefs de culture..., leurs futurs employeurs potentiels. Le bilan est très positif. La majorité des stagiaires se sont vu proposer un poste à la fin des 3 mois. A minima, la formation sera reconduite sur ce format avec 50 % de chantier-école. Mais ce serait bien d'aller vers une durée plus longue et une formation diplômante », souligne le formateur.
Du côté des stagiaires, le ressenti est également très positif. « Nous étions un petit groupe, tous d'origines très différentes, mais chacun savait pourquoi il était là », précise Audrey Brouxel. « Il y avait une bonne répartition entre les temps théoriques et pratiques, avec pas mal d'immersion en entreprises pour des ateliers aux pépinières Millet et Cholat. Nous avons aussi eu la chance de visiter beaucoup de pépinières avec, à chaque fois, des types de cultures et des méthodes de travail différents, ce qui nous a offert un aperçu global du métier. J'ai suivi mon stage de dix jours aux pépinières Cholat. Les dirigeants m'ont vu travailler.Ils m'ont proposé un poste en CDD. Cependant, 3 mois c'est trop court pour découvrir la pépinière, surtout que je n'y connaissais rien au départ, contrairement à d'autres qui venaient du paysage et qui avaient déjà de bonnes notionsen matière de végétal. »
> Les entreprises se sont investies. « Il est aujourd'hui très compliqué de trouver des personnes voulant travailler en pépinières, c'est un facteur limitant pour le développement de notre secteur », explique Cécile Cholat, gérante des Pépinières Cholat, à Chambéry (73). Face à cette situation, ce qui a été mis en place entre les professionnels et le CFPPA Savoie-Bugey est très intéressant. L'idée était de permettre à des adultes qui veulent se réorienter, de suivre une formation, ou du moins une sensibilisation à nos métiers, en étant quasi assurés de trouver un emploi à l'issue. La réussite réside, d'une part, dans la parfaite collaboration entre le centre de formation et les professionnels, avec une forte implication de ces derniers et, d'autre part, dans la motivation des stagiaires. Celle-ci est essentielle pour persévérer dans le métier et ne pas renoncer au premier obstacle. Notre domaine de compétences évolue énormément ; c'est un métier de haute technicité. Nous avons besoin de gens qui ont la tête sur les épaules. En formation d'adultes, nous avons affaire à des personnes qui ont davantage de maturité que les jeunes issus du cursus scolaire. De plus, ils viennent de différents horizons, pas forcément des métiers manuels. Et ce qui est intéressant dans ces divers profils c'est que, même s'ils découvrent la pépinière, leur antériorité de carrière est un atout pour nos entreprises. Ils ont des parcours autres que les nôtres et peuvent faire évoluer notre métier. Toutes ces différences apportent une diversité, et cela nous fait progresser, appréhender d'autres façons de travailler. »
> Le bilan global est très positif. « Je veux souligner le professionnalisme et le dynamisme des chargés de formation du CFPPA qui ont été très réactifs, ainsi que l'investissement de mes propres collaborateurs qui ont organisé des ateliers techniques. Ce serait très bien de renouveler cette expérience pour redynamiser notre métier car c'est aussi aux professionnels de dire qu'il y a de l'emploi dans notre profession. En Savoie, notre secteur peut créer 10 CDI par an, ce n'est pas anodin. Sans compter les saisonniers. Il faudrait pouvoir faire cette formation sur au moins 6 mois pour que les stagiaires aient le temps de voir la période estivale - pour la partie production pure - et l'hiver pour la production et la commercialisation. Ce n'est pas simple car il faut trouver des financements. Mais sur ce type de montage "nous faisons mouche à chaque fois", car nous répondons à une demande. La plupart des 10 stagiaires ont trouvé un emploi dès la fin de ce parcours de 3 mois : 4 aux Pépinières Cholat, 1 aux Ets Millet, 1 aux Ets Bonnaire, 2 en entreprise du paysage, 1 aux Ets triquet, et une personne est sans emploi pour le moment », conclut Cédric Dernaucourt. n
Claude Thiery
(*) http://reinach.fr/portailepl/une-nouvelle-formation-pour-devenir-ouvrier-pepinieriste/
Entre les cours pratiques, les stages individuels en entreprise, et les visites pédagogiques... 50 % du temps de formation se déroule sur le terrain. Ci-dessus la préparation des racines,ci-contre la mise en tontines.
Julien Peultier, formateuren prévention des risques,a expliqué les gestes à suivre pour épargner son dos et éviter les accidents.
Plusieurs salariés despépinières Cholat, installéesà Chambéry (73), ont présenté une arracheuse de mottes aux stagiaires de la formation.
Les volets techniques et pratiques de la formation d'« ouvrier pépiniériste » avaient lieu en immersion au sein des entreprises partenaires, comme ici (ci-dessus et ci-contre) aux pépinières Cholat. PHOTOS : CFPPA SAVOIE-BUGEY
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